Bamako capitale de la photographie africaine

De notre envoyée spéciale à Bamako Françoise Dargent
03/12/2007 | Mise à jour : 12:43 |

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Les 7es Rencontres de la photographie, organisées jusqu’au 23 décembre au Mali, mettent en avant la grande créativité des artistes du continent noir.

À Bamako, le portrait décalé est un genre qui fait fureur. Il suffit de voir la foule qui se presse chaque matin devant le camion de l’association du CNA, le Cinéma numérique ambulant, pour mesurer le phénomène. Les enfants mais aussi les parents sont invités à se faire tirer le portrait. Grâce au numérique, ils choisissent le décor de leur choix, une galerie du château de Versailles ou un sommet enneigé, Manhattan parfois, de l’exotisme toujours.

Le soir venu, les portraits sont projetés sur un écran en plein air. Les gamins assis devant sur une immense natte, les adultes qui s’agglutinent à mesure que la rumeur enfle, quelques chiens un peu perdus et le spectacle commence. On se reconnaît, on rit beaucoup, on crie aussi chaque fois qu’une connaissance apparaît sur l’écran. L’instituteur du quartier a beau jouer de la baguette pour calmer les enfants surexcités, l’explosion de bonne humeur ne sera jamais totalement contrôlée. Trop de joie à communiquer, trop d’énergie à dispenser pour ces petits des quartiers populaires qui font de chaque imprévu une fête.

 Entre vidéos et photos

Proposée dans le cadre des7es Rencontres africaines de la photographie qui se tiennent jusqu’au 23 décembre dans la capitale malienne, à l’initiative du CNA, cette opération est de celles qui rappellent que Bamako est encore la capitale africaine bien vivante de la photographie. Ensemble, Meyer, photographe français du collectif Tendance floue , son acolyte malien Adama Bamba, jeune photographe ambulant et deux jeunes femmes à la prise de vue, réinventent le traditionnel portrait de studio cher aux Africains. 

Quatorze ans après la naissance du premier festival de photographie africaine à Bamako, c’est lors de manifestations comme celle-ci que l’on peut voir le plus d’habitants. Dans les lieux d’exposition officiels, disséminés dans la cité, il est rare de croiser la foule, hormis les étudiants, avides de découverte. Pourtant, la fierté est là. Dans le quartier de Baghadaji, fief du photographe Malick Sidibé, 72 ans et toujours actif, une scène emblématique et quelque peu surréaliste se déroule chaque matin devant le petit studio familial. Il faut voir ses fils sortant précautionneusement le trophée du lion d’or que l’artiste a reçu cette année à la Biennale de Venise pour son œuvre et le poser sur une table à l’entrée de la maisonnette, à côté des médailles et sous les portraits du maître.

De manière générale, la 7e édition de ces rencontres, organisées par le Mali et Culturesfrance, permet d’honorer plutôt correctement la production contemporaine des artistes du continent noir. Les travaux de cinquante photographes et dix vidéastes y sont montrés.

Un des lauréats des prix des rencontres, Sammy Baloji, la trentaine, né en République démocratique du Congo, s’est frotté à l’Eu­rope lors d’expositions collectives ou de résidences. Licencié en sciences humaines, c’est un homme de son temps qui oscille entre vidéo et photo. Il présente actuellement une recherche efficace sur la mémoire des lieux. Ayant photographié les mines moribondes du Katanga, il y a intégré les portraits d’anciens es­claves noirs photographiés à la fin du XIXe siècle par les explorateurs européens.

Son compatriote Calvin Dondo, prix Seydou Keïta, la plus haute distinction du festival, a saisi des passants dans les rues de Harare. Les visages sont fermés comme dans les cités occidentales. La saturation des couleurs et les cadrages renforcent l’impression de dureté et de solitude propre à la ville sans trace de cette misère que l’on prête volontiers au continent.

Dans cette exposition, malgré un accrochage qui réduit parfois un travail fouillé à l’anecdote, les artistes communiquent facilement leur engagement. Mamadou Konaté, primé lors des précédentes Rencontres estime que «sans les Rencontres, on ne serait pas là». «Grâce à ces expositions, on regarde autre chose, on change notre façon de voir et de rendre compte.»